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Le projet LIFE Eau&Climat (LIFE19 GIC/FR/001259)
a reçu un financement du programme LIFE de l’Union européenne.
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Le modèle ORCHIDEE est un modèle de surface continentale à bases physiques développé à l’Institut Pierre Simon Laplace (IPSL). C’est une des composantes du modèle de climat de l’IPSL (Boucher et al., 2020 ; Cheruy et al. 2020), utilisé pour tous les exercices de simulation du climat passé et futur réalisés pour alimenter les rapports du GIEC dans le cadre du projet CMIP (Coupled Model Intercomparison Project). Pour Explore2, le modèle ORCHIDEE est utilisé seul, et doit donc être alimenté par un forçage atmosphérique, à savoir la réanalyse SAFRAN ou les projections climatiques Explore2, qui couvrent le territoire métropolitain, la Corse et l’amont du bassin du Rhône en Suisse et en Allemagne avec le même maillage de 8 km x 8 km.
Le modèle ORCHIDEE décrit de nombreux processus ayant lieu à la surface des continents : les processus hydrologiques (bilans d’eau liquide et solide dans les bassins versants, écoulements en rivière et dans les nappes), mais en tenant compte de leur couplage avec le fonctionnement de la végétation et le cycle du carbone, si bien que les variables simulées y compris les débits dépendent de la teneur en CO2 atmosphérique (Krinner et al., 2005). Comme détaillé ci-dessous, les bilans d’eau, d’énergie et de carbone sont calculés au pas de temps de 30 minutes au sein d’unités de calcul indépendantes (ici les mailles de 8 km x 8 km), et les débits sont ensuite déduits par agrégation des écoulements de chaque maille le long du réseau hydrographique.
Chaque maille ORCHIDEE (Figure 1) est caractérisée par de nombreux de paramètres, dont certains sont déduits de la lecture de cartes :
• La végétation n’est pas uniforme mais composée d’une mosaïque de plusieurs types de plantes (cf Figure 1) dont les fractions sont déduites pour Explore 2 d’une carte de végétation pour l’année 2005, qui définit en France 6 types d’arbres, 2 types de cultures (blé et maïs), et trois types de prairies (carte à 0.25 degrés, soit environ 17.5 km en France, telle qu’utilisée pour les simulations CMIP6 avec le modèle de climat de l’IPSL, cf Boucher et al., 2020). Chaque type de plante est caractérisé par des propriétés morphologiques, physiologiques, phénologiques et radiatives différentes, principalement basées sur la littérature spécialisée.
• Le sol fait 2 m de profondeur, et chaque maille est caractérisée par la texture dominante selon la carte globale de Reynolds et al. (2000) à la résolution de 5 arc-min (environ 6 km en France) ; les propriétés de rétention en eau du sol (dont porosité, capacité au champ et point de flétrissement) dépendent de la texture tout comme sa conductivité hydraulique à saturation, qui est aussi augmentée en surface en fonction de la densité racinaire.
Le bilan d’eau du sol est calculé en séparant 3 colonnes dans chaque maille (pour le sol nu, les forêts et les végétations basses, i.e. prairies et cultures). Ceci permet d’éviter que la concurrence des arbres assèche les prairies et les cultures. Dans chaque colonne, la pluie non interceptée par le couvert végétal et la lame de fonte peuvent soit s’infiltrer, soit ruisseler pour la part qui excède la conductivité hydraulique. A chaque pas de temps, l’humidité du sol est redistribuée verticalement selon l’équation de Richards (écoulement en milieu non saturé), discrétisée selon 22 couches sur 2 m, en tenant compte des prélèvements par l’évaporation du sol en surface, par les racines sur toute l’épaisseur du sol pour abonder la transpiration, et d’un drainage gravitaire à la base du sol (Tafasca et al., 2020). Le modèle ORCHIDEE calcule aussi la température des 22 couches de sol par un schéma diffusif, et l’eau de chaque couche gèle quand sa température est inférieure à 0°C, ce qui réduit la perméabilité du sol et la disponibilité en eau liquide pour l’évaporatranspiration (Gouttevin et al., 2012).
Le manteau neigeux et sa dynamique sont décrits par un modèle à 3 couches, permettant de rendre compte des variations d’albédo, de densité et donc des propriétés isolantes du manteau, en fonction de l’âge de de la neige et de la nature de la végétation sous-jacente (Wang et al., 2013). La fraction neigeuse fs de chaque maille augmente avec contenu en eau du manteau.
Figure 1 : Schématisation des principaux processus hydrologiques (hors évapotranspiration et neige) dans une maille ORCHIDEE.
L’évapotranspiration est calculée comme la somme de la transpiration des plantes, de l’évaporation de l’eau interceptée par le feuillage, de celle du sol, et de la sublimation du manteau neigeux. Ce calcul ne dépend pas d’une évapotranspiration potentielle mais il est couplé au bilan d’énergie en surface, ce qui impose un pas de temps infra-horaire (ici 30 minutes) pour bien décrire le cycle diurne du rayonnement. Il est important de noter que la transpiration dépend de la teneur en CO2 atmosphérique car elle est couplée à la photosynthèse par l’ouverture des stomates.
Figure 2 : Influence de l’augmentation de la teneur en CO2 atmosphérique sur les simulations ORCHIDEE depuis 1950 jusqu’à la fin du XXIe siècle : moyennes annuelles sur l’ensemble de l’indice de surface foliaire, de la transpiration, de l’évapotranspiration et des écoulements (somme du ruissellement et du drainage). Cette influence est illustrée en comparant une simulation où le CO2 augmente (tel qu’observé jusqu’en 2014 puis selon le scénario RCP8.5), en traits pleins, et une autre où la teneur reste constante à la valeur de 2005, en pointillés, pour deux projections contrastées du projet Explore2 : « Faibles changements » à gauche ; « Chaud et sec » à droite.
Comme illustré en Figure 2, cette dépendance amène la transpiration donc l’évapotranspiration à diminuer quand la teneur en CO2 augmente, ce qui augmente les écoulements (toutes choses égales par ailleurs). En parallèle, l’indice de surface foliaire est augmenté car la photosynthèse est favorisée par de fortes teneurs en CO2, mais cet effet fertilisant est inférieur à l’effet anti-transpirant. ORCHIDEE est le seul modèle utilisé pour Explore2 à disposer de cette fonctionnalité, observée dans la nature et implémentée dans la plupart des modèles de climat, mais avec des incertitudes importantes aux fortes teneurs en CO2, faute d’observations (Canadell et al., 2021, Cross-Chapter Box 5.1).
Les débits des cours d’eau sont ensuite calculés par un module de routage, qui permet l’agrégation des écoulements de chaque maille le long du réseau hydrographique. Ce module mobilise trois réservoirs linéaires dans unité de calcul, comme illustré par simplicité à l’échelle de la maille entière en Figure 1 : le réservoir rivière permet le transfert horizontal du débit de maille en maille (baptisée « hydrological transfer unit » (HTU)) le long du réseau hydrographique, alors que les réservoirs souterrains et de versant servent à rendre compte du temps de transit moyen entre la production du drainage et du ruissellement, respectivement, et leur contribution au débit sortant du réservoir rivière d’une HTU. Le réservoir souterrain peut donc être vu comme une représentation simplifiée d’un aquifère libre, et le flux sortant comme le débit de base du cours d’eau local.
La version d’ORCHIDEE utilisée dans Explore2 une version très proche de celle utilisée pour le projet international CMIP6 ayant alimenté les derniers rapports du GIEC (BOUCHER et al., 2020). Plusieurs adaptations ont cependant été réalisées dans le cadre du projet Explore2, afin d’améliorer la simulation des débits aux points de simulations Explore2 (HUANG et al., 2023). La première vise à bénéficier d’un Modèle Numérique de Terrain (MNT) à 1 min-arc (environ 1.5 km en France), construit en agrégeant le MNT global MERIT-Hydro à 30-arc-sec (YAMAZAKI et al., 2019). Afin de pouvoir calculer le débit en des stations qui ne sont pas l’exutoire des mailles ORCHIDEE (ici 8 km times 8 km), le module de routage décompose chaque maille en sous-éléments, comme détaillé dans (POLCHER et al., 2023). Dans ce cadre, les stations hydrométriques retenues par le projet Explore2 sont positionnées sur le réseau hydrographique numérique pour respecter les critères suivants : la distance entre la station réelle et la station modélisée doit être inférieure à 5 km et l’erreur sur la surface contributive à la station doit être inférieure à 20 %. Parmi les points de simulation retenus pour Explore2 (SAUQUET et al., 2022), dont 611 stations de référence, 3613 points ont pu être placés respectant les critères d’erreur ci-dessus, représentées en Figure 3.
Figure 3 : Distribution des 3613 points de simulation du débit par ORCHIDEE pour Explore2, en distinguant trois symboles selon la surface contributive associée selon l’HydroPortail. Le code couleur montre le biais relatif de la surface contributive retenue dans ORCHIDEE.
Une première application a permis de montrer une surestimation systématique des débits simulés en France sous forçage SAFRAN, associée à une sous-estimation de l’évapotranspiration par comparaison avec le produit global FLUXCOM (JUNG et al., 2019). Un certain nombre de paramètres ont donc été modifiés dans une démarche essai-erreur pour augmenter l’évapotranspiration et réduire les débits en moyenne annuelle, donc diminuer les biais de ces deux variables : nous avons réduit la conductivité hydraulique à saturation dans les couches profondes du sol pour mieux conserver l’eau; et pour augmenter l’évapotranspiration, nous avons augmenté la rugosité de la végétation et sa densité racinaire de la végétation, et diminué le seuil d’humidité du sol à partir duquel le stress hydrique commence à réduire la transpiration (à 50 % au lieu de 80 % de la réserve utile).
Grâce à ces modifications, les biais relatifs médians de l’évapotranspiration et des débits simulés ont été réduits respectivement de -14.9 % à -4.3 %, et de 28.7 % à 6.7 %. Comme détaillé plus loin, les performances hydrologiques du modèle ORCHIDEE ainsi modifié sont globalement satisfaisantes, sauf dans le Bassin Parisien et les Alpes. Il serait certainement possible d’améliorer les simulations définissant les temps caractéristiques des réservoirs du modèle de routage en fonction des propriétés hydrogéologiques régionales, et en retravaillant la dynamique du manteau neigeux.
Le modèle ORCHIDEE simule de très nombreuses variables hydrologiques, thermiques et relatives à la végétation et au cycle du carbone, généralement au pas de temps de 30 minutes. Seules quelques-unes sont mises à disposition du projet Explore2 en moyenne journalière. Il s’agit :
• du débit (en m3/s) simulé en 3613 points de simulation (dont 556 points d’évaluation),
• de cinq variables 2D, avec un point par maille de 8 km x 8 km : drainage, ruissellement, évapotranspiration, contenu en eau du manteau neigeux, soil water index (SWI).
Les qutre premières sont fournies en kg/m². La dernière est un indicateur adimensionnel de l’humidité du sol : SWI = (SM-WP)/(FC-WP), où SM est la moyenne journalière de l’humidité totale du sol (intégrée sur 2 m), et WP et FC sont les valeurs de cette humidité totale au point de flétrissement et à la capacité au champ. L’humidité du sol pouvant dans ORCHIDEE prendre des valeurs inférieures au premier ou supérieure à la seconde, le SWI peut prendre des valeurs inférieures à 0 ou supérieures à 1.
La Figure 4 présente les performances du modèle sur 556 des 611 stations hydrométriques du réseau de référence. Globalement, les performances sont bonnes sur les principaux cours d’eau (drainant plus de 6000 km², 22 stations concernées), avec des valeurs de KGE√ supérieure à 0.38 (médiane autour de 0.80). Les performances se dégradent sur les petits cours d’eau (219 bassins versants de moins de 200 km²) avec une médiane de KGE√ plus faibles (0.62), mais des valeurs négatives en 43 stations hydrométriques. Le modèle semble confronté à des difficultés en particulier dans les Alpes, dans le bassin de la Seine et dans les Hauts de France où les aquifères jouent un rôle non négligeable dans la dynamique des débits de ces cours d’eau. Sur les secteurs au nord de la France, les débits de hautes eaux semblent surestimés. L’examen de la Figure 4 suggère une sous-estimation des débits de basses eaux (Q90) hors Massif Central, Jura et Bretagne, régions qui affichent une surestimation des débits de basses eaux.
Figure 3 : Performance constatée sur les débits simulés par ORCHIDEE.
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CANADELL , J. et al. (2021). Global Carbon and other Biogeochemical Cycles and Feedbacks. In : ”Climate Change 2021 : The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change” [Masson-Delmotte, V., P. Zhai, A. Pirani, S.L. Connors, C. Péan, S. Berger, N. Caud, Y. Chen, L. Goldfarb, M.I. Gomis, M. Huang, K. Leitzell, E. Lonnoy, J.B.R. Matthews, T.K. Maycock, T. Waterfield, O. Yelekçi, R. Yu, and B. Zhou (eds.)]. P. 673–-816. DOI : 10.1017/9781009157896.007.
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